La Naissance de Vénus

 

Dans ce chef-d'œuvre tout est structuré en fonction de la beauté idéale, au point que l'artiste ignore volontairement les lois de la perspective que ses contemporains cherchent à appliquer à tout prix. Cependant, en même temps, nous n'avons pas l'impression de voir des visages irréels, malgré la mise en scène.

Une jolie femme au temps de la Renaissance italienne devait être plutôt ronde, "non grasse mais charnue", "succulente". La minceur sinueuse de la beauté médiévale n'est plus de mise. Elle devient même synonyme de laideur et de mauvaise santé.

Nous voyons la naissance de l'histoire avec les vents Zéphyr et Aura qui, le premier jour de la création, poussent, depuis l'inconnu de la mer, ce coquillage sur lequel apparaît la triomphante nudité de Vénus.

Et en approchant de la terre où elle va prendre son vrai rôle, sa vraie puissance, elle découvre la pudeur.

 

Nous remarquons cette attitude que Botticelli a directement empruntée aux beaux exemplaires des antiques que l'on découvrait à cette époque-là. Il l'a vraiment peinte comme une Vénus pudica.

Pour que cette pudicité prenne tout son aspect sacré, une des Grâces (au nom des trois) va la revêtir de son manteau. C'est le privilège des Grâces de recouvrir la nudité de Vénus et de faire d'elle la mère et la patronne de toutes les forces de la création.

Vénus est en train d'accoster à un rivage très découpé et marqué déjà par de grands arbres, lauriers et myrtes réunis ; les arbres sont serrés et les frondaisons s'obscurcissent les unes par rapport aux autres.

 

La Naissance de Vénus (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Voici quelques détails pour nous rendre compte de la triomphante splendeur de Vénus. On a découvert que cette "Naissance de Vénus" avait été (furieusement) passée au un badigeon-béton, c'est-à-dire que des vernis successifs avaient fini par complètement l'opacifier. Les deux tableaux ont été admirablement lavés et nous avons maintenant découvert un autre Botticelli : des chairs nacrées, presque semi-transparentes, une peau si fine qu'on a l'impression de voir la mer à travers. Toute la qualité formidable de la peinture de Botticelli est ainsi réapparue depuis le nettoyage.

Voilà le groupe héroïque des vents. Au fond, ils représentent, dans leur désordre, le chaos originel et Vénus naît de ce chaos, qui la pousse ici à prendre possession du monde. Admirable Grâce avec le manteau qu'elle a préparé pour revêtir Vénus des fleurs et fruits de la terre, car elle deviendra Vénus-Flore et Vénus-Pomone. Elle sera tout cela et, en tant que Vénus sacrée, elle sera la maîtresse des dieux et déesses de l'Olympe. Superbe visage de cette Grâce dont Ingres aurait dit que c'était le plus beau visage jamais peint (il a, paraît-il, beaucoup aimé les femmes qui n'avaient pas de menton). L'aspect dansant dans la lumière de la robe blanche animée de bleuets n'est pas dû aux plis, mais au jeu des bleus des bleuets, des parties ensoleillées, des parties en ombres, des parties en avant, des parties en retrait et sculptées par ces bleuets qui donnent tous les champs, font dominer la beauté du corps de cette Grâce... l'une des plus belles parties de la "Naissance de Vénus".

Dans aucun de ses tableaux chrétiens, Botticelli n'essaie d'être enseignant ; par contre, dans tous les tableaux païens, depuis "Mars et Vénus" et surtout avec "la Naissance de Vénus" et "le Printemps", on voit qu'il y a volonté d'enseignement et il est assez extraordinaire de constater que Botticelli est plus à l'aise dans ce rôle didactique du mythe avec les dieux "païens", qu'avec sa pérennité de chrétien.